« Chacun connaît en outre, la fièvre collectrice, qui prend les enfants dans les cours d’écoles primaires. Collectionner (c’est-à-dire économiser) et troquer (c’est-à-dire échanger), constituent véritablement les premiers pas d’une activité économique qui pourra devenir par la suite florissante. Cailloux, billes ou boutons, sont autant de pièces primitives, c’est-à-dire de monnaie en tant qu’elle satisfait entièrement aux trois principes fondamentaux mis en évidence par l’économie politique : instrument de réserve de valeur et unité de compte (collection), et moyen d’échange (troc).
Le caractère libidinal et jouissif de la pulsion anal infantile a progressivement été refoulé, sublimé ou idéalisé dans l’inconscient, au fur et à mesure que s’est affirmé le principe de réalité. Ne reste plus que la dernière étape : la transformation de ces monnaies primitives en pièces et billets.
Quant aux cartes à jouer et à collectionner, qui ne semblaient guère à la mode du temps de Ferenczi, mais qui sont aujourd’hui si répandues et estimées dans les cours de récréation, elles sont progressivement échangées contre des papiers monnaie, des livrets de caisse d’épargne, et plus tard, des actions ou autres obligations (SICAV, Bons du Trésor, etc.). Ainsi, les produits et les marchés financiers qui n’en finissent pas de se multiplier selon un pur principe de réalité, sont-ils dans l’inconscient, attachés au pur principe de plaisir et émanent de la joie de le posséder qui a sa source la plus profonde et la plus féconde dans la coprophilie. La question de savoir si, dans ce florilège d’échanges, la pulsion anale est effectivement sublimée ou si, au contraire, l’objet de cette pulsion narcissique est simplement idéalisé, reste quant à elle, dans le contexte actuel, plus que jamais posée. » (Christophe Bormans, « Narcissisme et échange »).